Intégrer l’IA à une condition : créer de la valeur ajoutée
L'adoption de l'IA en entreprise ne doit pas être une fin en soi, mais une réponse à des besoins concrets. Pour Romain Javillier, directeur associé, Data et IA, chez Act-On Group la clé réside dans une approche « Test & Learn » , qui permet de déterminer rapidement la valeur ajoutée de l'IA tout en maintenant les opérations courantes. Cette méthode favorise une innovation rapide et une intégration réussie.
L’approche de Workday, développée par Hubert Cotté, directeur général de Workday France, va également dans ce sens. Pour optimiser la création de valeur par l’IA, trois axes principaux sont à prendre en compte :
L'accélération : l'IA générative permet des gains de productivité, comme par exemple pour créer des descriptions de poste en quelques minutes, un processus qui prenait auparavant plusieurs heures.
L'expérientiel : amélioration de l'expérience collaborateur en simplifiant l'accès à l'information via des assistants en langage naturel.
- L’agentique : l'automatisation des tâches à faible valeur ajoutée grâce aux agents, permettant aux professionnels RH de se concentrer sur des missions plus stratégiques.
Comment utiliser à chaque étape du parcours collaborateur ?
Le potentiel de l'intelligence artificielle se déploie à chaque moment clé du parcours collaborateur :
- Le recrutement : analyser un grand volume de candidatures pour identifier rapidement les profils les plus pertinents.
- La rétention des talents : fidéliser les employés clés en identifiant les collaborateurs à risque et en suggérant des mobilités internes.
- Le développement des compétences : créer des plans de carrière personnalisés en recommandant des formations adaptées aux besoins de l'entreprise et du collaborateur.
1 - Recruter à l’aide de l’IA : l’exemple de Pfizer
Avant même d’intégrer des solutions d'intelligence artificielle au sein de son département RH, Pfizer bénéficiait d’une culture sur le sujet, issue de son utilisation dans la recherche et le développement. Selon Claire Allaria, directrice des ressources humaines chez Pfizer, cette culture a sûrement facilité l’adoption de l’IA dans le département des ressources humaines, l’un des premiers à l’appliquer opérationnellement au sein de l'entreprise, et ce dans le cadre de l’optimisation de son recrutement.
Face à un million de candidatures annuelles, dont 20 000 en France, les outils d'IA sont utilisés par l’entreprise biopharmaceutique pour permettre un tri plus rapide et efficace pour identifier les meilleurs profils. Un système de classification des candidatures de A à D a montré que 72 % des recrutements provenaient des candidatures classées "A", validant l'efficacité de l'IA tout en soulignant la nécessité d'une supervision humaine.
2 - Rétention des talents : les avantages de l’IA
Au-delà du recrutement, l'IA se révèle être un atout majeur pour la rétention. Un outil d'IA peut analyser la base de données du SIRH pour identifier des profils internes qui pourraient correspondre à des postes à pourvoir. Cette approche proactive favorise la mobilité interne, offrant aux collaborateurs de nouvelles perspectives de carrière et renforçant leur engagement envers l'entreprise.
3 - Compétences et carrières : l'IA comme nouveau moteur
La gestion des compétences est un pilier de la stratégie RH. Dans cette optique, dès 2018, Workday a lancé une "place de marché des talents" basée sur l'IA, s'appuyant sur un référentiel de 55 000 compétences. Hubert Cotté précise que cet outil permet aux collaborateurs de "s'auto-attribuer" des compétences et d'être acteurs de leur propre carrière, favorisant des parcours innovants et une plus grande fluidité sur le marché du travail interne. Ainsi, la donnée devient un véritable moteur pour le développement professionnel de chacun.
Dans un contexte où les parcours professionnels sont de moins en moins linéaires et où les nouvelles générations aspirent à plus de mobilité, ces outils sont devenus indispensables pour fidéliser les talents. L'objectif final, rappellent les experts, est de "redonner du temps à l'humain".
Vers une stratégie RH proactive et centrée sur l'humain
Pour déployer une stratégie d'IA efficace, Romain Javillier préconise une approche structurée. Il identifie quatre piliers essentiels pour garantir le succès de l'intégration de l'IA dans les processus RH :
Définir le cas d’usage : il est crucial de déterminer précisément les objectifs et les indicateurs de performance attendus pour chaque projet.
Respecter le cadre légal : garantir la transparence des processus est indispensable pour obtenir l'adhésion des collaborateurs.
Choisir les bons partenaires : la sélection de partenaires technologiques fiables et adaptés est une condition clé de la réussite.
Adopter une approche "Test & Learn" : une mise en œuvre agile permet d'ajuster la stratégie en continu et d'assurer sa pertinence.
Tout au long de cette approche, l'IA doit évidemment rester un outil au service de l'humain, et non une finalité. L'humain joue un rôle central de contrôle et de programmation.
Quel avenir pour la fonction RH ?
Alors que 50 % des chefs d'entreprise craignent un déficit de talents pour répondre à leurs besoins opérationnels, l'IA apparaît comme une solution incontournable. Selon Hubert Cotté, le futur du travail ne réside pas dans le simple remplacement de postes, mais dans la capacité des entreprises à mieux anticiper leurs besoins en capital humain, à gérer les carrières et à fluidifier le marché du travail.
En s'appuyant sur la donnée, l'IA offre une capacité nouvelle : aider les entreprises à mieux gérer leur capital le plus précieux, l'humain.