Ajay Agrawal : On ne connaît un tel phénomène qu'une seule fois dans sa carrière. Tous les auditeurs qui ont, disons, plus de 40 ans se souviendront de ce qu'ils ont ressenti au tout début d'Internet. Vous avez peut-être eu l'impression qu'il s'agissait d'une simple technologie, et que votre métier ne serait pas concerné. Mais aujourd'hui, il est difficile de penser à une entreprise qui n'est pas influencée par lnternet. Je pense que ces technologies auront un impact aussi voire beaucoup plus important qu'Internet.
Meg Wright : Intelligence Artificielle. Machine Learning. Il ne fait aucun doute que ces technologies vont avoir un impact incroyable sur les entreprises à travers le monde.
Mais avec ce que nous savons et ce que nous ignorons encore sur l'IA et le ML, il n'est pas toujours simple de cerner leur véritable potentiel.
Dr. Rumman Chowdhury : Le potentiel est quasiment illimité si ces technologies sont canalisées et employées de manière adéquate et correcte. Je crois que c'est ce dernier aspect que nous essayons de mieux cerner. Bonne gouvernance, usage responsable, fiabilité : tous ces éléments sont le socle d'une innovation positive.
Meg Wright : Pour les dirigeants, les opportunités doivent l'emporter sur les risques et les défis.
Et surtout, la façon dont ces technologies vont se déployer dans les entreprises doit occuper une part plus importante dans les échanges sur le sujet.
Chandler Morse : Je dirais qu'il s'agit d'arriver à un tournant dans le débat et de ne plus parler seulement des conséquences imprévues de ces technologies, mais aussi de leurs incroyables avantages, de leur réactivité et des approches nuancées en matière de talents qu'elles permettent de mettre en œuvre.
Megan Wright : Alors, est-ce que l'IA et le ML sont la meilleure ou la pire chose qui puisse arriver à votre entreprise ?
Je suis Meg Wright, Head of Innovation chez FT Longitude.
Dans ce podcast Workday, nous allons nous intéresser à l'IA et au ML dans l'entreprise : ce que nous savons aujourd'hui, nos projections pour demain, et ce qu'il reste encore à découvrir.
Rumman Chowdhury : Je suis le Dr. Rumman Chowdhury. Je suis l'une des pionnières de la mise en pratique responsable de l'IA. Je suis actuellement Responsible AI Fellow au Berkman Klein Center for Internet and Society de l'Université Harvard. Je suis également cofondatrice de l'organisation à but non lucratif Humane Intelligence.
En moins d'un an, l'IA générative est devenue un vrai sujet de conversation. Les grands modèles de langage existent depuis plusieurs années, ce n'est donc pas l'apparition de cette technologie qui constitue la plus grande innovation. La vraie révolution est qu'il est désormais possible de créer des textes, des images, des vidéos et des sons convaincants à partir de ces modèles, sans avoir à coder.
Si vous écoutez ce podcast, vous connaissez sûrement le principe des technologies que l'on peut utiliser sans coder. Aujourd'hui, nous pouvons en effet interagir avec ChatGPT, Lensa ou Stable Diffusion avec des invites qui s'apparentent à un vrai dialogue entre humains. Vous pouvez demander à l'IA de créer une image d'un chat avec un chapeau sur la tête et c'est exactement ce qu'elle va vous envoyer. Vous allez ensuite pouvoir affiner votre demande et ajouter : « Je veux que ce soit un chat noir. Je veux qu'il porte un chapeau pointu rose. » Et au lieu de faire tout cela avec du code, en faisant appel aux compétences de programmation qui étaient auparavant nécessaires pour utiliser la plupart des IA (ce qui était un obstacle pour beaucoup), vous pouvez désormais dialoguer comme avec un autre humain. Et c'est cela qui fait de cette nouvelle vague d'Intelligence Artificielle une telle révolution.
Meg Wright : Alors, à l'heure où l'IA et le ML commencent à faire leur entrée dans les entreprises, quelles vont être les compétences les plus recherchées ? Existe-t-il des compétences spécifiques dont les collaborateurs vont avoir besoin pour travailler de manière efficace avec l'IA ?
Ajay Agrawal : On pourrait reformuler votre question de la manière suivante : quelles sont les compétences dont nous n'allons pas avoir besoin ? En 50 ans, les ordinateurs sont progressivement devenus incontournables dans les entreprises, et ils nous semblent aujourd'hui bien inoffensifs. L'IA inquiète, mais tout le monde trouve normal d'utiliser les ordinateurs et les smartphones sur le lieu de travail.
Je m'appelle Ajay Agrawal. Je suis professeur à l'Université de Toronto, à la Rotman School of Management, et j'ai fondé le Creative Destruction Lab, un programme à but non lucratif. Notre mission est de promouvoir la commercialisation de la science pour le progrès de l'humanité.
Avant l'arrivée de l'IA de navigation, les chauffeurs devaient suivre un cursus de trois ans dans une école spécialisée pour apprendre à se repérer aisément dans une grande ville comme Londres. Grâce à l'IA, tout le monde peut maintenant y parvenir sans rien connaître de la ville : j'atterris à Heathrow, je loue une voiture, et bien que je ne sois jamais venu ici, voilà que je peux conduire dans cette ville avec autant d'efficacité qu'un pro.
La conduite est donc devenue beaucoup plus accessible. Donc si vous pensiez qu'il existait des biais systématiques, quels qu'ils soient, dans l'accès à ces écoles de conduite à Londres, ils ont été éliminés dans une large mesure. Tant que vous êtes capable de conduire une voiture en toute sécurité, l'IA vous apporte les compétences supplémentaires pour vous permettre de vous repérer.
Des collègues et économistes au Japon ont étudié ces questions à Tokyo. Ils ont fourni un système d'IA de navigation à seulement la moitié des chauffeurs d'une cohorte. Ils ont comparé leur productivité avec et sans l'IA de navigation.
Il y a deux points importants à prendre en compte pour les chauffeurs. Il y a d'abord le calcul du meilleur itinéraire. Mais lorsqu'ils déposent un passager, ils doivent aussi prédire où aller pour réduire le temps d'attente avant leur prochaine course. En effet, leur productivité se calcule en comparant le nombre de minutes avec et sans passager à bord. Chez les chauffeurs qui disposaient d'un système d'IA de navigation, les plus novices ont enregistré une hausse de productivité de 7 %, mais il n'y a eu aucune amélioration chez les plus expérimentés, parce qu'ils savaient déjà instinctivement où aller pour réduire la durée avant la prochaine course. C'est donc là un nouvel exemple de la façon dont l'IA peut réduire les écarts entre les personnes les moins et les plus expérimentées.
Chandler Morse : L'IA et le ML vont clairement révolutionner l'entreprise.
Tout le monde se rend compte qu'il est difficile d'imaginer un secteur de l'économie qui n'adoptera pas ces outils.
Meg Wright : Je vous présente Chandler Morse, Vice President, Corporate Affairs de Workday.
Chandler Morse reconnaît que l'IA a le pouvoir de transformer les effectifs en profondeur, à la fois en termes de performances et d'évolution de carrière.
Chandler Morse : Le débat sur les compétences me passionne, car j'ai passé l'essentiel de ma carrière à travailler avec des populations pour qui elles sont essentielles et cruciales. Je prends toujours l'exemple suivant : prenez n'importe quelle ville aux États-Unis. Quelqu'un se retrouve sans travail. Il va avoir accès à un certain nombre de ressources. Le gouvernement fédéral fournit de nombreuses ressources pour le développement des effectifs. L'objectif est d'amener au développement de nouvelles compétences. Mais la grande question est : dans quel domaine ? Dans quel domaine faut-il acquérir des compétences ? Et je crois que la technologie peut jouer un rôle déterminant pour observer l'évolution de l'économie, tout ce qui se passe, et identifier les opportunités.
Mais pour beaucoup de personnes, la question est : comment payer mon loyer ? Comment accéder à une opportunité significative, qui m'aide à subvenir aux besoins de ma famille et à passer au niveau supérieur ? Et je pense qu'une approche fondée sur les compétences peut leur ouvrir des portes de façon vraiment plus rapide et efficace, afin de leur offrir de meilleures opportunités économiques. L'IA a là un grand rôle à jouer.
Nous assistons à un tournant passionnant pour l'économie américaine et mondiale, avec la sortie de la crise sanitaire et l'arrivée de nouvelles technologies dans un contexte de changements rapides. Il faut que chacun comprenne que les choses peuvent changer très rapidement dans l'économie, et nous en avons fait la douloureuse expérience. Face à ce type de disruptions économiques, comment préparer les collaborateurs et les employeurs à répondre de manière agile ?
Il faut miser sur les compétences, mais des compétences qui s'appuient sur une mise en œuvre réfléchie, éthique et responsable de l'IA, avec des protections, des garde-fous réglementaires pour favoriser la confiance. C'est un sujet tellement passionnant.
Meg Wright : L'IA et le ML peuvent être de puissants outils pour améliorer l'expérience collaborateur, l'efficacité au travail et les performances opérationnelles. Mais ce potentiel infini soulève la question de la confiance.
Pour reprendre les mots de Rumman Chowdhury : « Les technologues ne comprennent pas toujours les collaborateurs, et les collaborateurs ne comprennent pas toujours la technologie. » Mais qu'est-ce que cela signifie en matière de réglementation de l'IA et du ML dans l'entreprise ?
Rumman Chowdhury : La culture de la data science est par définition très fragmentaire et décentralisée, et je pense que c'est une très bonne chose. Des investissements et des efforts de développement sont réalisés dans le domaine des technologies open-source. C'est d'ailleurs ainsi que la plupart des data scientists et des ingénieurs en IA apprennent leur métier. Nous nous perfectionnons en permanence en suivant de près les dernières recherches, et je pense que tout cela doit être encouragé. Alors plutôt que d'essayer de réglementer l'IA en la mettant en cage, je pense qu'il faut aller vers plus d'ouverture et de transparence.
Meg Wright : D'où ma question suivante : comment trouver le juste milieu pour éviter une réglementation excessive tout en veillant à ce que l'IA soit utilisée en toute sécurité ? Que peuvent faire les entreprises pour dialoguer de manière productive avec les décideurs politiques ?
Je laisse à Rumman Chowdhury le soin de répondre.
Rumman Chowdhury : Beaucoup de ces problèmes sont en fait les mêmes que ceux constatés avec les plateformes. Et pour avoir travaillé chez Twitter, je connais bien les défis à relever. Il y a beaucoup de parallèles à faire. Au bout du compte, le sujet de la réglementation dépend en grande partie de la question suivante : à qui va aller le rôle d'arbitre de la vérité ? Qui décide de ce qui est correct et de ce qui ne l'est pas ? Qui décide de ce qui devrait ou ne devrait pas être vu ? Qui décide comment cela devrait ou ne devrait pas être présenté ? Qui décide de ce qui est bien et de ce qui est mal ?
Au cœur de toute cette discussion, la question revient en fait à choisir les parties qui seront les garants de la vérité. Faisons le parallèle entre le RGPD et l'IA générative. L'UE vient d'adopter l'Artificial Intelligence Act, il y a aussi le Digital Services Act et le Digital Markets Act. Donc la régulation avance.
À mon avis, ces nouvelles lois tiennent compte de certaines des critiques formulées à l'encontre du RGPD, à savoir qu'il était très onéreux pour les entreprises et qu'il ne comprenait pas vraiment comment elles stockaient et collectaient les données. Autrement dit, en imposant des mandats qui semblaient simples, comme le droit à l'oubli ou de disposer de ses propres informations, cela s'est révélé en fait une tâche assez difficile pour de nombreuses entreprises.
Pour être honnête, nous avons autant à perdre avec une mauvaise réglementation de l'IA qu'avec une absence totale d'encadrement. Je salue donc les efforts déployés pour investir dans tous les types de gouvernance. Et la réglementation n'est qu'une de ses facettes. Je crois qu'elle a attiré l'attention en raison de toute la législation émanant de l'Union européenne, ainsi que des initiatives similaires en cours dans d'autres parties du monde, comme au Royaume-Uni et de plus en plus aux États-Unis. Mais la gouvernance est un concept complexe qui revêt de nombreuses formes, et elles sont toutes utiles à bien des égards. L'innovation est en partie le résultat d'une bonne gouvernance. Cela impliquerait de disposer de méthodes normalisées d'évaluation des technologies dans lesquelles vous investissez, afin de comprendre si leurs bénéfices sont ceux attendus, et de pouvoir comparer différentes technologies pour choisir celle qui convient le mieux à votre produit et à vos besoins.
Meg Wright : Alors que les utilisations de l'IA et du ML dans l'entreprise se développent rapidement, les dirigeants doivent absolument se pencher sur les questions de confiance, de sécurité et d'éthique.
Si l'histoire nous a appris une chose, c'est que ces discussions sont essentielles pour développer la technologie de manière responsable, comme va nous l'expliquer Chandler Morse de Workday.
Chandler Morse : Nous allons assister à de nombreuses mises en œuvre de ces technologies. Certains cas d'usage, certaines applications suscitent des inquiétudes. Il faut les prendre en compte dans un contexte politique.
Meg Wright : Quelles leçons les entreprises peuvent-elles tirer des autres technologies émergentes ? Comment peut-on éviter, en particulier, le piège d'une réglementation excessive qui entraverait le progrès et celui d'un manque d'encadrement qui éroderait la confiance du public ?
Chandler Morse : On me dit souvent : « Nous ne sommes pas convaincus que votre secteur demande réellement une réglementation. »
Mais nous croyons au pouvoir de l'IA pour libérer le potentiel humain. Et nous disons cela en tant que fournisseur de services de gestion du capital humain pour la moitié des entreprises Fortune 50 et la moitié des entreprises Fortune 500, avec 60 millions de dossiers collaborateur dans notre système. Nous savons comment ces technologies peuvent créer des opportunités économiques pour les collaborateurs, c'est notre métier. Mais ils ne vont pas utiliser des technologies auxquelles ils ne font pas confiance.
J'ai passé la majeure partie de ma carrière au Capitole, et lorsque quelqu'un venait me voir, je voulais qu'il m'exprime clairement ses objectifs. Je ne voulais pas avoir à les deviner. Que voulez-vous ? Pouvons-nous travailler ensemble ? Notre objectif est clair. Nous voulons que ces technologies soient utilisées. Nous proposons ces services et il serait vraiment dommage que les équipes n'en tirent pas parti pour libérer leur potentiel, créer des marchés des talents, susciter des échanges constructifs sur les carrières, examiner les besoins économiques et les besoins en ressources, ou développer leurs compétences.
Ces technologies ont tant à offrir. Notre objectif est donc de mettre suffisamment en confiance les utilisateurs, et nous pensons que cela passera par la mise en place d'une réglementation efficace.
Meg Wright : Comment alors l'IA et le ML peuvent-ils offrir une nouvelle vision audacieuse de l'entreprise ? Sommes-nous vraiment prêts à vivre dans un monde au potentiel infini ?
Ajay Agrawal : La technologie y arrivera rapidement. Elle sera le levier du changement pour les collaborateurs au sein de leur entreprise. La concurrence va être un vrai moteur. Dès qu'une entreprise d'un secteur franchira le pas et sera soudain en mesure d'offrir à ses clients un service bien meilleur à un prix nettement inférieur, les entreprises concurrentes qui se montraient plus hésitantes vont très vite rectifier leur trajectoire pour avoir une chance de rester dans la course ou continueront dans une voie sans issue.
Si je devais observer la situation et essayer d'anticiper la rapidité avec laquelle les choses vont se passer, je me focaliserais principalement sur les leaders innovants. Lorsque Netflix a vu le jour aux États-Unis par exemple, nous avons d'abord tous vu cela comme une curiosité et nous avons continué à prendre notre voiture pour aller louer des DVD dans des vidéoclubs. Mais une fois que nous avons vu comment cela fonctionnait, il est devenu impossible de faire machine arrière.
Il n'est pas utile de regarder à quel rythme toutes les entreprises vont changer. Il suffit de repérer le leader qui imposera sa cadence à tout le monde.
Meg Wright : Il est essentiel que les grands leaders participent activement aux discussions.
Chandler Morse : Nous sommes convaincus que l'IA peut libérer le potentiel humain et nous sommes optimistes à cet égard. En même temps, il faut tenir compte des conséquences potentielles inattendues de ces technologies.
Lorsque nous avons lancé ces discussions en 2019, nous avons d'abord adopté une approche axée sur le risque. Mais nous ne sommes pas convaincus que les cas d'usage de l'IA en matière de RH et les recommandations de Netflix sur la prochaine série à regarder méritent le même niveau d'attention. Il faut donc déterminer précisément ce sur quoi se concentrer. Je pense que les Européens l'ont bien compris et qu'il s'agit pour eux d'un fait acquis, d'un postulat de départ pour mener le débat. Il ne s'agit plus d'un concept nouveau.
Nous pensons également qu'ils ont fait du bon travail en adoptant une approche nuancée. L'une de nos suggestions était d'éviter la tentation de classer des secteurs entiers dans des catégories, dans cette pyramide du risque qui va du risque faible à l'impossibilité absolue d'utiliser l'IA pour ces cas d'usage. Cette approche basée sur les risques devait être suffisamment nuancée pour distinguer, au sein même du secteur, les éléments qui auraient un impact dramatique sur les opportunités d'emploi de ceux qui étaient un peu moins importants.
Meg Wright : En plus de gérer efficacement le changement et d'adopter une approche nuancée du risque, les dirigeants devront aussi comprendre l'impact de l'IA sur l'environnement général des entreprises. Rumman Chowdhury nous explique ce point.
Rumman Chowdhury : Prenons l'exemple de Duolingo, une application qui permet d'apprendre d'autres langues. L'approche adoptée par Duolingo consiste à prendre le modèle central élaboré par OpenAI pour l'adapter à son usage. Comme les entreprises sont désormais amenées à utiliser un algorithme core développé par un tiers pour l'affiner ensuite en fonction de leurs objectifs, les entreprises spécialisées dans l'IA ont aussi une responsabilité en termes de confiance et de sécurité. Cette responsabilité concerne le fine-tuning de leur IA pour obtenir un cas d'usage spécifique. On s'attend donc à ce que les grandes entreprises d'IA comme Anthropics et OpenAIs aient la responsabilité d'identifier les préjudices graves, de faire appel à des équipes d'intervention et de veiller à ce que, d'une manière générale, l'utilisation de l'IA soit responsable.
Mais les intervenants secondaires qui ajustent les modèles d'IA à leurs propres fins ont également une responsabilité. Les entreprises doivent donc se pencher sur ces deux niveaux de confiance et de sécurité et sur ce qu'elles imaginent être les attentes de leurs clients. Si une bonne partie de la technologie peut être externalisée parce qu'il ne s'agit que d'affiner un modèle de base, j'ajouterai que la responsabilité, elle, ne peut pas l'être.
Je suis très clairement en faveur d'une gouvernance mondiale pour les problèmes qui demandent un certain contrôle moral. Je pense que ce concept de gouvernance mondiale a évolué pour avoir de nombreuses ramifications différentes, mais pour moi, sa mission devrait être de favoriser l'épanouissement des êtres humains. Tout cela peut sembler un peu vague, mais c'est aussi le cas de l'intelligence artificielle générale, non ? Donc, si nous investissons des milliards de dollars dans un concept qui semble complètement irréalisable, comme l'intelligence artificielle générale, nous devons aussi consacrer beaucoup de temps, d'efforts et d'argent pour favoriser l'épanouissement humain grâce à ces technologies.
Meg Wright : Il reste beaucoup à faire, mais il est indéniable que l'avenir de l'IA et du ML est prometteur. Qu'est-ce que cela implique pour les dirigeants ? Comment les entreprises d'aujourd'hui doivent-elles se préparer à l'avenir du travail ? J'aimerais entendre Ajay sur cette question.
Ajay Agrawal : La première chose à faire est de diriger l'Intelligence Artificielle vers de vrais problèmes d'entreprise. Autrement dit, les gens pensent encore que l'IA est magique et relève un peu de la science-fiction, alors que chaque initiative en la matière dans l'entreprise doit se concentrer sur une métrique clé. Et tout cela peut et doit être mesuré. Les intelligences artificielles sont des moteurs d'optimisation et doivent être dirigées vers un élément à optimiser. Je vous conseille donc d'éviter de confier entièrement votre IA à votre Chief Data Scientist et de la placer plutôt sous l'égide d'un leader de l'entreprise qui possède un indicateur clé de performance très clair ou tout autre métrique. Utilisez l'IA pour atteindre un objectif d'entreprise qui va au bout du compte soit augmenter les revenus, soit réduire les coûts.
Le deuxième point est qu'il existe désormais de nombreux domaines où vous pouvez appliquer l'IA, surtout depuis que nous sommes capables de traiter le langage. Beaucoup de choses qui n'étaient pas réalisables l'année dernière le sont maintenant parce que nous pouvons lire les contrats, les procédures opérationnelles standards, les conventions de travail, les e-mails, toutes ces données non structurées que nous ne pouvions pas traiter très efficacement sont maintenant tout à fait gérables.
Cernez vos priorités, sélectionnez un, deux voire trois projets qui auront un rendement maximal en termes de hausse des revenus ou de baisse des coûts d'après des dimensions précises. En d'autres termes, appliquez votre calcul de ROI habituel et choisissez quelques projets clés, mais ne tentez pas de tout faire d'un coup. Ne cherchez pas à résoudre tous les problèmes en même temps.
Enfin, le troisième point est que je recommande vivement à chaque entreprise de se lancer dès maintenant. Cela ne sert à rien d'attendre passivement. Choisissez l'initiative d'IA qui vous semble la plus pertinente et mettez-vous immédiatement au travail. Car l'IA apprend. L'IA est le tout premier outil dans l'histoire de la civilisation humaine qui apprend au fil des utilisations. Si vous restez sur le banc de touche, vous perdez tout le temps d'apprentissage dont bénéficient les professionnels qui alimentent déjà leur IA. Plus vite vous vous lancez, plus vite votre IA commence à apprendre.
Meg Wright : Collaborateurs, performances, politiques, progrès. Le potentiel de l'IA et du ML pour les entreprises est indéniable.
Et pourtant ce sont les mesures prises aujourd'hui par les dirigeants qui vont déterminer au bout du compte comment ce potentiel va se déployer, et surtout, la valeur ajoutée de ces technologies.
Alors, est-ce que l'IA et le ML sont la meilleure ou la pire chose qui puisse arriver à votre entreprise ?
Eh bien, je vous laisse en décider.
C'était Meg Wright. Merci de nous avoir écoutés.